Sunday, April 09, 2006

CRIME GRATUIT


Dead Eve- Morte Eve:
La technique d’approche de mes toiles n’est pas la même dans toutes mes oeuvres. Dans “Morte Eve” je suis parti d’un article du journal togolais “Forum Hebdo” publié le vendredi 23 octobre 1992 et signé par K.R.C.
L’histoire:
Elle se passe à la frontière entre le Togo et le Ghana à Aflao. Ce mercredi 21 octobre 1992, la frontière est restée fermée entre le Togo et le Ghana et ne s’ouvrira pas avant 6h00 du matin. Nous sommes en plein processus démocratique, et Eyadéma le feu président togolais fait tout pour se maintenir à la tête du pays. Pour sa sécurité, les militaires sont dans toutes les rues et surtout aux frontières. Mr KLU Sawomekpo Thomas de nationalité togolaise est contraint de passer la nuit en territoire ghanéen où réside sa femme AYIVON Atsupi, parce que surpris la veille par la fermeture de la frontière. Ce matin il décide de rentrer tôt au Togo pour s’occuper de ses autres enfants avant leur départ pour l’école. Il n’était probablement pas encore 6H00 du matin, mais il y a longtemps que le jour a pointé à l’horizon quand ensemble Thomas, avec Atsupi sa femme et son beau frère AYIVON Koffi passent devant les postes ghanéens sans difficulté aucune. A peine ont ils pénétré en territoire togolais cependant, que des rafales de fusil mitrailleur ont claqué dans le petit jour. Seul le beau frère eut le réflexe de retourner sur ses pas. Le mari et sa femme n’ont pas eu le temps de réaliser ce qui leur arrivait. Atsupi encore nourrice en ce moment sera mortellement atteinte au cou et dans plusieurs autres parties du corps. Le fusil crépita de nouveau derrière le beau frère qui sera rattrapé par une balle et finira sa course dans le “no man’s land” Ses derniers mots selon les témoins auraient été « Elan lem, evo nam » (en Mina : « La bête a eu raison de moi, je suis fini »). Le tireur pour bien finir sa tâche viendra se saisir de son corps pour le traîner en territoire togolais. Il était environ 5h30 du matin. Un crime gratuit sur trois personnes venait d’être commis de plus par les hommes de main d’Eyadéma.
Ce qui a touché l’Artiste que je suis:
C’est la mort d’Atsupi, une nourrice, une femme, une mère, une soeur.
J’y ai vu un crime contre la Femme, voire contre l’humanité toute entière. Une mère, et en plus une nourrice qui meurt en laissant derrière elle des enfants, c’est d’autres vies qui s’arrêtent.
Nos mères sont les sources de nos vies. Non seulement elles nous donnent la vie, elles entretiennent aussi cette vie. Combien peut être criminel, celui qui prend de force une telle vie ? La vie d’une femme, la vie d’une nourrice ?
Quelqu’un me dira que le meurtrier ne pouvait pas savoir qu’Atsupi donnait le sein encore à l’époque à un bébé. Mais je dis que parce que toutes les femmes portent un sein et sont la moule de la vie où nous sommes coulés, aucun crime n’est excusable sur la femme…c’est une vision d’artiste c’est vrai, mais c’est ma vision.

1 comment:

Unknown said...

Bonjour Bernard,

Tu fais un travail remarquable. Je te souhaite du courage. En mettant ton art au service du peuple en lutte pour la liberte tu demontres la capacite que les Togolais ont chacun dans son secteur de contribuer au changement dans notre pays. C'est un devoir du reste.

Courage.
Dany Ayida